Pins, des “girls like us”
Les PINS sont étonnantes, ce genre de filles qui donnent l’impression que faire partie d’un groupe à succès est aussi simple que boire de l’eau. Pour certaines d’entre elles, l’apprentissage de leur instrument s’est fait sur le tas et tout est allé très vite. Elles ont enregistré, aidées par Dave Catching -producteur des Queens Of the Stone Age- dans le désert du parc national de Joshua Tree, en Californie, leur dernier album « Wild Nights ». Un titre qui évoque leur style de vie et leur quotidien. Leurs lunettes noires au nez, ce groupe se caractérise aussi par leur sens du style cohérent, entre glamour rock et punk DIY. Celui-ci retraduit parfaitement leur musique qui brasse une pop légère à la vigueur d’un garage frénétique. Riffs fuzz, choeurs entêtants et batterie nerveuse, l’efficacité de leur son n’est plus à remettre en cause et sur scène elles investissent l’espace pleines de sensualité et détonnent avec l’aise des plus grands machos du rock. Pour autant, elles n’en restent pas moins accessibles et agréables hors projecteurs. Nous les avons rencontrées dans leurs loges à l’Espace B assises sur un canapé pour un entretien très musical.
Si on vous avait dit lorsque vous étiez plus jeunes que vous seriez dans un groupe connu mondialement, vous l’auriez cru ?
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Lois : Depuis que je suis très jeune j’apprends la guitare. À dix ans je faisais partie d’un groupe pour la première fois. On chantait juste, personne ne savait jouer d’un instrument. On s’appelait les “Cool Cats” (rires). Par contre je n’ai jamais imaginé que je voyagerai dans le monde entier, que je sortirai des albums et tout ce que l’on fait là. Je pense que même si ces aspects positifs n’étaient pas présents je serais tout de même dans un groupe. C’est sûr que la petite Lois ne s’attendait pas à ce que tout ça arrive.
Faith : J’ai toujours su que je ferais partie d’un groupe, j’avais des groupes où personne ne savait jouer. Je demandais à mes amies de faire semblant. Le chant est venu très tard, j’ai commencé avec PINS. J’ai toujours voulu soit faire du patinage artistique soit faire partie d’un groupe. Vu que je n’ai jamais appris le patinage je suppose que je n’avais pas le choix…
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Faith tu dis avoir fait partie de plusieurs groupes mais tu ne t’es sentie particulièrement bien dans aucun. Qu’est-ce qui a changé avec Pins ?
Faith : J’ai rencontré plein de gens différents qui cherchaient tous à créer des groupes et je voulais juste faire partie d’un en tant que guitariste. Mais je n’aimais pas forcément la musique qui ne me correspondait pas toujours. Je n’étais pas celle qui écrivait les chansons, je ne décidais pas vraiment grand chose. C’est pour cette raison que j’ai décidé de créer mon propre groupe. Dès lors c’était moi qui cherchais des musiciens et qui les choisissais.
D’ailleurs comment se fait-il que la composition du groupe ait aussi souvent changé ?
Faith : On dirait comme ça mais pas vraiment ! Nous avions une batteuse différente au commencement mais elle a arrêté parce qu’elle voulait se concentrer sur sa carrière d’écrivaine, elle vient d’ailleurs de sortir son livre. C’est à ce moment que Sophie nous a rejoint. Puis Anna, notre bassiste, s’est cassé la jambe, du coup elle a été remplacée pendant quelques mois. Enfin Kyoko était une extra mais finalement elle est restée.
Lois : Nous avions besoin d’instruments en plus pour enregistrer l’album donc nous avons ajouté Kyoto pour les live aussi.
Quand vous avez créé le groupe était-ce un choix délibéré de n’être que des filles ?
Faith : Anna est la première personne que j’ai trouvée et à ce moment-là on ne s’est pas vraiment dit “Faisons un girls band” c’était plus “Ce serait bien d’ajouter une autre fille”. Puis on s’est retrouvées complètes en une année et nous n’étions que des filles. Mais ce n’était pas vraiment intentionnel avec une raison spécifique derrière. C’était plus une envie de continuer de jouer entre filles.
Lois : Quand j’ai joué pour la première fois avec elles j’étais vraiment intéressée par cette idée parce que je n’avais jamais eu l’occasion d’être dans un groupe de filles auparavant. À chaque fois j’étais dans un groupe avec des hommes et je me suis dit que ça pouvait être vraiment drôle et unique.
…. que toutes les filles réalisent qu’il faut jouer plus, créer de nombreux groupes féminins pour que les choses changent
Et comment c’est d’être un groupe de filles ? Qu’est-ce qu’il y a de différent ?
Lois : Ce que l’on dit toujours c’est notre seule référence, nous n’avons jamais eu l’occasion d’être un homme dans un groupe d’hommes donc on ne peut pas vraiment comparer.
Faith : Mais de notre point de vue des fois c’est vraiment un défi parce que évidemment il y a des choses auxquelles les hommes n’ont jamais à faire face. Par exemple, le simple fait qu’on nous demande ce que c’est… Personne ne demanderait à un groupe de mec ce que ça fait de l’être.
Lois : Il y a une grande disparité entre les groupes masculins et féminins donc c’est toujours important de poser cette question sur notre ressenti en tant que femmes pour que toutes les filles réalisent qu’il faut jouer plus et créer de nombreux groupes féminins pour que les choses changent. Mais je pense que nous sommes très chanceuses car nous nous sentons unies, du coup personne ne peut nous embêter.
Vous avez raconté être allées dans un bar rock à New York et avoir vu des centaines de photos de rock stars parmi lesquelles Madonna était la seule femme représentée. Quelles autres femmes auriez-vous aimé voir sur ce mur ?
Faith : Blondie aurait dû en faire partie.
Lois : Joan Jet.
Faith : Les hommes représentés étaient Elvis Presley, John Lennon, les grandes icônes… Mais les filles auraient dû être plus présentes.
Lois : Suzy Sue.
Faith : Poison Ivy aussi. Pourquoi personne n’y a pensé ? Ce n’est pas vraiment à propos de cet endroit et de cette photo, c’est juste une illustration de cette inégalité dans l’industrie musicale. On a déjà entendu des mecs dire que parce que c’était un groupe de fille ça allait sûrement être moins bien.
Lois : Maintenant que j’y repense, à Brighton l’autre jour il y avait aussi une grande fresque avec de grands musiciens représentés : Lou Reed, Ian Curtis etc mais il n’y avait aucune femme. Même pas une. Je n’avais pas réalisé ça à ce moment-là parce que ça paraît si normal, on n’y pense même plus.
Faith : Quelqu’un devrait faire une fresque réunissant les femmes iconiques du rock. Avec Patti Smith aussi. Tu vois, il en manquait tellement sur ce mur à New York…
De laquelle de ces femmes vous sentez-vous les plus proches ?
Faith : C’est une question difficile.
Lois : Je dirais probablement Blondie. Il y a tellement une imagerie iconique autour de ce groupe. Je trouve que la manière dont ils ont étiqueté Debbie Harry sur sa sexualité est vraiment offensante.
Faith : Courtney Love était une grande influence pour moi. J’aime beaucoup Patti Smith et ai beaucoup de respect pour elle mais les groupes qui ont eu le plus d’impact sur moi au moment de l’adolescence étaient vraiment Hole et les Distillers.
Lois : Pour moi aussi, c’était la première fois que j’ai entendu des femmes chanter de cette manière agressive, crier et faire du bruit. Particulièrement Brody Dale. Elle est tellement impressionnante parce qu’elle hurle mais elle chante aussi très bien.
Lorsqu’il s’agit de parler de vos influences vous évoquez les Smiths, le Velvet Underground, Joy Division… Mais il y a un côté plus pop à votre musique, d’où vient-il ?
Faith : Peut-être des groupes comme Jesus and Mary Chain, ils sont très pop mais il y a aussi un côté très brut et noisy. On aime aussi beaucoup les Black Lips qui sont très pop-punk avec un côté très positif.
Lois : Les chansons courtes et très entraînantes des sixties sont aussi une grande influence.
Faith : Les Shangri-Las par exemple. Mais personne d’entre nous n’est friand de Katy Perry. Enfin si, j’en connais une mais ce n’est pas une de nous deux (rires). On n’est pas trop intéressées par la pop mainstream. Enfin sauf de temps en temps…
Quelle est votre feel good song ?
Lois : Difficile à dire… J’ai envie de choisir “Paint it Black” des Rolling Stones même si c’est une chanson un peu sinistre il y a un aspect très enlevé, plein d’énergie.
Faith : Je dirais n’importe quelle chanson de T-Rex.
C’est quoi le meilleur groupe du monde ? J’ai envie de jouer avec eux (rires)
Avec quel groupe aimeriez-vous vraiment tourner ?
Faith : Les Queens of the Stone Age et les Distillers.
Lois : Nous avons déjà eu l’occasion de tourner avec des groupes vraiment cool. On a eu de la chance.
Faith : Sinon c’est quoi le meilleur groupe du monde ? J’ai envie de jouer avec eux (rires) Les Rolling Stones, ce serait drôle je pense. Je suis sûre qu’ils sont ridicules. On a aussi entendu quelques histoires sur Blink 182. On ne peut pas dire qu’on les aime beaucoup mais ce serait marrant.
Quel genre de groupe vouliez-vous sortir sur votre label Haus of Pins ?
Faith : Et bien l’idée était vraiment de sortir les groupes que l’on aime, il n’y a pas de restriction de genres. À ce moment on était beaucoup en tournée avec des groupes qu’on adore. On a alors décidé de créer le label pour aider des gens comme September Girls, Abjects, Dream Wife qui sont aussi des amis.
Lois : Comme nous avons sorti nos propres albums et cassettes, on a voulu faire la même chose avec d’autres groupes. C’est très drôle à faire, on aime parler de ce qu’ils veulent sur leur pochette, de la manière dont ils veulent que l’ensemble rende etc. Par contre ça demande beaucoup d’énergie et comme nous sommes en tournée en ce moment on s’est un peu arrêtées de gérer le label. Ça ne sert à rien de sortir quelque chose que personne ne remarquera.
Y a-t-il quelqu’un en particulier avec qui vous aimeriez travailler ?
Lois : Je suis vraiment intriguée par Kim Gordon.
Faith : Ce serait bien de travailler avec un gros producteur de la trempe de Steve Albini. Ce serait une superbe expérience.
Lois : J’aimerais beaucoup avoir l’expertise de John Leckie juste pour voir comment c’est. Il a tellement d’idées.
Faith : Peut-être Phil Spector (rires). On ne connaît jamais vraiment les producteurs de nos jours, il n’y a que les plus connus dont on se souvient.
Lois : Quelqu’un avec un fort caractère ce serait bien.
Faith : Josh Homme, je pense qu’avoir son aide serait génial. Si jamais il lit ça… Qui sait ? (rires)
Comment c’est d’être Pins dans votre ville, Manchester, quand vous êtes libres ?
Lois : On aime aller au Deaf Institute, c’est une super salle.
Faith : C’est une salle de taille moyenne donc tous les groupes qui tournent s’y retrouvent à un moment ou un autre. Les cocktails y sont bons aussi. Généralement on traîne dans les environs de Oldham Street il y a plein de bars, par exemple le Castle Hotel qui accueille des groupes de qualité. À chaque fois qu’on nous pose cette question on ne répond que par des endroits où boire (rire).
Lois : Il y a une excellente pizzeria qui s’appelle Dough, c’est de la pizza vegan, c’est cool.
Faith : On a récemment entendu parler de Crazy Pedro’s qui fait des pizzas avec des frites recouvertes de gravy et de fromage. On a pas encore essayé les leurs mais c’est notre petit plaisir on adore manger ça à Glasgow habituellement.
Vous dites que New York City serait le seul endroit pour lequel vous laisseriez Manchester, pourquoi ?
Lois : Il y a toujours quelque chose de nouveau à voir. La pire chose là-bas c’est d’avoir à s’arrêter pour aller dormir à un moment. C’est une ville tellement stimulante et excitante. J’adorerais y vivre mais c’est trop cher. C’est un endroit très intéressant, très créatif. Nous y allons dans quelques semaines, on a hâte !
Merci les filles et keep on rocking !
Interview réalisée par Chayma Mehenna pour STBC
Remerciement à Pias France et Espace B