Interview : YOU SAID STRANGE

C’est début septembre, au le festival les Mauvaise Graines à Verneuil-sur-Avre, que nous avons croisé la route des membres de YOU SAID STRANGE, jeune formation normande bercée au rock psyché.
Si l’on a déjà évoqué plusieurs fois leur musique dans nos lignes, c’est qu’on aime chez eux cette volonté de sortir des sentiers d’un rock conventionnel. Du haut de leurs 22 piges de moyenne et forts d’un EP, les 5 garçons font preuve d’un talent et d’une intelligence de composition rare dans leur style. Leurs titres enregistrés à Londres par Stanley Belton (tête pensante de Black Market Karma) révèlent une belle maîtrise des codes et un élan mystique singulier, assez pour avoir envie de les suivre un moment.
Une heure avant leur concert, on a rendez-vous sous la yourte des artistes et il nous suffira d’évoquer la création du groupe, leurs envies, leurs influences, pour percevoir la simplicité et la lucidité avec laquelle ils abordent la musique et leur avenir.

Paul (Guitare) : Ah, tiens tu enregistres ? Alors Test Test ! C’est bon, ca marche ? Mais si on dit des conneries ?

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– Pas de soucis, je couperais toutes gaffes et autres insultes ! Alors dites moi d’ou vous venez !?

Paul : De Vernon et Giverny. Mathieu et Eliot se sont rencontrés en premier à Rock in the Barn, c a fait perpet’ !

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Mathieu (Batterie) : En 2010, à la première édition que Martin organisait déjà.

Paul : Et puis voilà, on avait tous envie de musique, on s’est proposés de faire d’en faire ensemble et c’est parti !

Eliot (Guitare, Chant): Il y a eu plusieurs formations, on a été 6, puis on est revenus à 5. Hector, le claviériste est arrivé cette année.

– La musique, c’était déjà du sérieux dans vos têtes ?

Eliot : Oui, dès le début on avait déjà un peu d’ambition, même si ce n’était pas du tout la même esthétique musicale. En tout cas, on voulait faire le plus de concerts possible.

Martin  (Basse, Chant) : Là on est en formation définitive depuis janvier. Moi je suis arrivé il y a 3 ans, puis il y a eu un 1er EP, fait à Conches. Mais on n’en parle pas trop de celui-là…

Paul : On s’est trouvés plus ou moins les mêmes influences musicales et les mêmes objectifs. Et puis il y a eu une vraie progression au niveau de la musique, de la composition depuis.

– Parce que vous vous cherchiez encore ?

Martin : Oui exactement. Mais le 1er disque à montrer vraiment ce qu’on fait, là où on veut aller, c’est celui sorti en mars.

Mathieu : C’est vraiment la continuité du travail qu’on a fourni.

– Le retour en force du psyché est finalement assez récent. Cette influence est venue comment ?

Martin : Ca a mis du temps, mais on a des gouts très proches. Donc aujourd’hui, c’est cette esthétique qui domine et qu’on défend.

Eliot : Mais j’ai toujours écouté Brian Jonestown Massacre !

Paul : On a toujours pioché dans beaucoup d’influences, mais ce groupe a mis tout le monde d’accord.

Hector (Clavier) : A chaque fois que quelqu’un découvre un titre ou un groupe, on le partage entre nous. On aime les mêmes choses et il y a toujours une entente de notre part là-dessus, donc ça joue pas mal sur ce qu’on compose ou ce qu’on modifie.

– Durant tous ce temps, vous avez composé beaucoup de titres et fait des choix difficiles pour l’EP ?

Eliot : On a passé a peu près un an sur l’EP, en testant des titres en live. Tout n’a pas créé en même temps. Pour certains, ça a beaucoup évolué, on les avait créé et 2 mois après, le morceau n’était plus pareil, bien qu’il ait gardé la même base, le même squelette. Mais on n’a pas non plus 3000 morceaux de côté !

Paul : Franchement, on sait rarement à l’avance ce qu’on va faire.

Eliot : Ça dépend, parfois ça va très vite, on sait ce qu’on veut et ça va fonctionner tout seul, on peut plier un morceau en 2h. Et parfois ça prend des mois avant d’en finir un complètement.

– La facilité m’aurait étonné ! Vos morceaux sont assez denses, avec beaucoup de couches, de textures et d’harmonies…

Paul : A chaque fois, un de nous qui va venir avec une idée et ensuite on se donne carte blanche dessus. Chaque musicien peut rajouter son petit truc, son inspiration.

Martin : On habille au fur et à mesure. Début août, on a fait une semaine d’écriture par exemple. On a procédé comme si on arrivait sur scène les mains vides… donc il faut improviser. On a fait 2 morceaux, ça a plutôt bien fonctionné. Maintenant, on rentre dans une phase ou chacun est chez soi avec les titres et il y a des trucs qui viennent au fur et à mesure. Rivers par exemple, le dernier titre de l’EP, est venu comme ça. La fin du titre ne m’est venue qu’au bout de plusieurs mois. Mais on n’arrivait pas à le concrétiser, un peu comme quelques uns qu’on joue en ce moment qui ne sont pas encore finis. Il y a un risque à les jouer, mais on verra ce que ça donne. Les arrangements viennent petit à petit.
Parfois ça ne marche pas du tout ! Il y a un morceau qu’on a laissé de côté sur l’EP, qu’on n’a même pas enregistré. Au final, il y avait des bugs dessus et on trouvait qu’il correspondait moins à l’esprit.

– Comment vous organisez-vous, j’imagine que vous bossez un peu à côté ?

Eliot : Martin bosse pour un tourneur, et il a son festival, le Rock in the Barn en plus du groupe. Tout ça se rejoint un peu parce qu’il y a pas mal d’artistes psychés dans sa boite. Du coup le festival s’oriente pas mal vers ça. Il a beaucoup à penser.
Mathieu est en école de batterie et Hector est encore au lycée, il fait sa terminale. Moi j’étais dans une école de musique à Paris avec Paul et à présent on a fini. Lui se réinstalle à Paris et moi je compte faire des petits boulots à droite à gauche. Donc ça va nous laisser beaucoup plus de temps pour le groupe…

Martin : Pour l’instant, on ne peut pas vraiment prendre de jobs lourds parce que ça nous empêcherait de répéter et surtout de partir faire des concerts.

– You Said Strange est donc la priorité sur le reste, mais vous y allez à votre rythme.

Martin : Oui complètement. Mais si on fait une date à Nantes par exemple, on se dit qu’on va passer par Rennes, St-Malo avant de revenir, comme ça on enchaîne. On ne peut pas se tirer et n’en faire qu’une seule… du coup, on est obligé d’avoir des jobs par intermittence, des extras.

Mathieu : On se dit souvent qu’on ne peut pas se permettre de refuser un concert. Qui fait ça ? On n’en a jamais refusé pour le moment, ça ne peut que faire avancer le projet !

– Vous avez déjà du recul sur votre EP, vous pensez à la suite ?

Eliot : On compte bien entretenir ce style qu’on s’est trouvé parce qu’il est vachement bien reçu par le public ou même la presse. La presse régionale a toujours été positive, et même des indépendants comme Fred Lombard sur IndieMusic.com qui nous a fait une super critique ! En plus on a découvert le papier alors qu’on était sur la première date de première partie des Dandy Warhols. On était sur un petit nuage.
On n’a pas eu de mauvaise critique jusque là, du coup on sait qu’on peut continuer à défendre cet EP. Ce qui n’était pas le cas sur le précédent. Ce n’était pas une question de critiques, mais surtout que ca ne nous plaisait plus.

– Dites moi ce qui tourne sur vos lecteurs mp3 ?

Paul : En ce moment, je suis plus stoner ! J’écoute aussi beaucoup de psyché mais là je suis dans une phase énervée. Cela dit, on écoute tous Brian Jonestown Massacre…

Eliot : Enfin on n’écoute plus parce qu’on les a trop écouté, haha ! Mais ça c’est cool d’ailleurs, ça va se ressentir dans le prochain EP. Ce sera un peu plus complexe car il y a le côté stoner de Paul et moi je suis plus dans le shoegaze en ce moment : Ride ou My Bloody Valentine qui ne sont pas psyché. Tu peux oublier le sitar et la flûte, haha…

Martin : Dernièrement, j’ai pas mal écouté le dernier Tame Impala que je redécouvre vraiment parce que je les ai vus à Rock en Seine. On avait découvert l’album sur la route de Trébur avec Alban Legrand (programmateur du Silo à Verneuil-sur-Avre), et je n’avais pas du tout accroché ! J’ai dit stop, on arrête tout, je ne l’écoute plus, j’attends le live. Et c’était monstrueux ! Donc je redécouvre totalement cet album.

Paul : C’est vrai que les débuts étaient vraiment géniaux, mais moi je suis déçu par le dernier.

Martin : Non moi j’adore vraiment, même si ça clashe un peu sur le groupe. Il y a un papier récent de Gonzaï qui n’est pas très tendre où ils disent que Kevin Parker ne fait plus que de la pop pour nana en chaleur. Je ne suis pas vraiment d’accord, je trouve qu’il y a une super évolution qui fonctionne vraiment bien. Et en plus en live, ça confirme tellement ! La claque qu’ils m’ont mise ! En regardant le public, sur les écrans, tous les gens chantaient et connaissaient les paroles par cœur. C’était incroyable !

– Toute cette culture musicale c’est une vraie passion ?

Martin : Oui, parfois ça modifie le choix des structures, des arrangements, du mixage même. Mais dans d’autres genres aussi, on pourrait aller vers des trucs plus poussiéreux comme les Black Rebel Motocycle Club qu’on aime beaucoup. On suit les évolutions des grands groupes et forcement ça nous inspire. Aussi des petits groupes. Cet été au Celebration Days Festival à Amiens, on a découvert le groupe hollandais Pauw, on a pris une claque sévère !

Eliot : Aujourd’hui, il y a une super scène de psyché qui s’est développée en Europe et aux Etats-Unis. Tu te retrouves vite à liker la page d’un groupe islandais inconnu qui se révèle monstrueux.  Et puis tout ça nous fait prendre du recul, c’est bien. Ça nous donne un objectif qui est moindre comparé a des groupes qui veulent tout tout de suite. Nous, si un jour on arrive à faire des salles comme le 106 (la SMAC de Rouen) ce sera cool ! On ne cherche pas à faire un Parc des Princes, ou même un Zénith, on s’en fout quoi ! C’est plutôt de jouer dans des endroits qui ont du prestige, là où il y a un vrai public. Et le fait de suivre et écouter aussi plein de jeunes groupes, ça nous permet de faire le lien. Si on se retrouve dans un bon magazine tourné vers le psyché, ça va nous toucher beaucoup plus que de passer dans un papier généraliste hyper lu où tu vas passer de You Said Strange à un article sur Sarkozy ! Tout ça nous donne des objectifs beaucoup plus à notre portée et qui nous touchent beaucoup plus.

– C’est quoi ce moment génial pour vous ? Lorsque vous déployez un titre sur scène, en trouvant une rythmique à composer… ?

Martin : C’est un tout. A partir du moment où on rentre dans le monde You Said, dans cette sphère, il suffit qu’on touche à l’agenda : se dire qu’on a des dates là et là… Rentrer là-dedans c’est ce qu’on aime, plus qu’un moment particulier. Ça n’est vraiment pas une parenthèse, c’est cette vie qu’il y a autour, c’est ca le kiff total, toute la liaison entre ces choses. Et puis rencontrer les gens !

– Une dernière question pour la route : You Said Strange, comment est venu ce nom ?

Martin : En fait Eliot était très branché Doors à une époque, et le titre Strange Days nous parlait. Au même moment, je faisais un petit court-métrage de fin d’année pour le lycée, et il y avait dedans un morceau de Debout sur le Zinc qui s’appelait Vous avez dit bizarre ? On a mélangé les 2 et ça nous plaisait ! Alors que je ne faisais pas vraiment parti du groupe a l’époque d’ailleurs. Mais c’est parti quand même !

Propos recueillis par Bastien Amelot pour STBC

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