LA ROUTE DU ROCK (13,14,15 et 16 août) – St Malo

Voici quelques jours, LA ROUTE DU ROCK célébrait le 25ème anniversaire de sa collection été, particulièrement riche en émotions.

Cette édition ne s’était pas annoncée sans frayeurs tant pour les organisateurs que pour les festivaliers, entre l’annulation surprise de la tête d’affiche, une baisse de subventions, et une météo pour le moins incertaine.
Malgré tout, de nombreux aménagements sur le site ont apporté un confort nettement amélioré aux festivaliers. Le drainage des sols, la configuration des deux scènes, la diversité des stands de grignotage et le stand bien garni de Balades Sonores nous ont apportés sourires et moult satisfactions. Un petit regret, le stand de merchandising était quant à lui assez pauvre en merch’ des groupes, bien que très fourni en t-shirts et goodies en tous genres estampillés RDR.
Mais les attraits les plus fascinants de ce festival indépendant restent sans aucun doute la fluidité d’une programmation artiste par artiste, qui donne les moyens de voir l’affiche en intégralité ; ainsi que l’excellente humeur générale (staff, artistes, festivaliers), rendant ce rendez-vous indé incontournable.

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Jeudi 13 août

Avant tout, petite incrédulité quant à la programmation de SUN KIL MOON et THE NOTWIST en soirée de préchauffage le jeudi à la Nouvelle Vague ! Car le spectacle était absolument grandiose, éclipsant sans conteste le reste de la programmation pourtant haut de gamme du reste du festival.

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En ouverture, l’ego-trip de Mark Kozelek laisse comme un arrière-goût d’euphorie aigre-douce au palais. Alors que SUN KIL MOON sont réputés pour interdire toute photo ou vidéo de leurs sets, le vocaliste/leader empruntera (le temps d’un morceau) un beau Reflex à un journaliste filou, le remerciant pour ce cadeau qu’il s’apprête à faire à sa copine de retour au pays ! Pas d’illustration possible ici donc, mais inimaginable de ne pas évoquer cette monumentale reprise de Nick Cave gorgée d’émotion (« The Weeping Song« , dédiée à la mémoire du fils récemment disparu de l’australien, que Kozelek avait rencontré), ou le final apothéotique sur « This Is My First Day And I’m Indian And I Work At A Gas Station« , relatant en parallèle de récentes déconvenues avec élégance et humour, rejoint par le xylophone de The Notwist.

THE NOTWIST reprenaient ensuite l’intégralité de leur album phare « Neon Golden » (2002), subtilement réorchestré pour l’occasion, sans cesse lumineux, entre élans de grâce infinie (Pick Up The Phone) et balancements de hanches irrésistibles (Pilot). Trois rappels successifs constitués 4 titres plus récents, dont l’entêtante « Run Run Run » (Close to the Glass, 2014), achèvent de compléter une setlist considérée comme absolument parfaite par les fans dans la salle, avant de tirer révérence sous une ovation entière et amplement méritée. Nous venons d’assister à un immense moment de partage et d’amour !

Vendredi 14 août 2015

Décalé de la plage Bon-Secours à la Nouvelle Vague pour cause de météo capricieuse, le concert de FOREVER PAVOT aura achevé de convaincre les festivaliers que ne les auront déjà vus sur scène. Une prestation sans grande surprise, néanmoins très souriante : « On aurait aimé être sur la plage, vous aussi, mais on est heureux d’être là ! »…

Direction le Fort de Saint-Père pour 18h50, perpétuant la première décharge psychédélique en compagnie de WAND. Une bien agréable ouverture de festival malgré les quelques gouttes de pluie qui entretiennent une jolie flaque de boue liquide en plein devant la scène des Remparts. Les pédales fuzzent, les amplis crachent tandis que les festivaliers ferment les yeux sur les 50 minutes de set que les californiens nous offrent. On les retrouvera avec grand plaisir à Rock en Seine dans quelques jours !

Inaugurant avec force élégance la grande scène, THE THURSTON MOORE BAND souffle sur les nuages ; les éléments semblant eux aussi sous le charme de la formation britannico-américaine. La tension gravit titre après titre, mention à l’album « The Best Day » (2014) qui regorge de pépites mélodiques imparables ici présentées ce soir, « Germs Burn » en tête. Les morceaux, entre quatre et une vingtaine de minutes, ne s’essoufflent jamais, en vrillage de riffs de grattes et à grands coups de disto au bord du gouffre, on aimerait que ce tourbillon soit sans fin. Debbie Googe, toujours de biais et concentrée, esquisse quelques sourires alors que ses lignes de basse plombent en contrepoids des grattes d’un James Sedwards facétieux et d’un Thurston Moore débordant d’hormones. Au milieu de ce petit miracle, une batterie qui déconstruit et rebâtit les structures rythmiques pour un public tout simplement heureux.

Après une petite pause pour l’installation de leur set, FUZZ enchaînent sur la grande scène. Ty Segall bourrine ses fûts en garage tendance hard rock (pas vraiment fuzz, donc), grimé d’un maquillage qui nous évoquera Black Sabbath voire Kiss (mais pourquoi donc ces accoutrements ?!), bouteille de rouge à bout de bras, pour déchaîner une euphorie générale sèche et torride jusqu’à un rappel réclamé à cor et à cris…

Petit détour par ALGIERS à la scène des Remparts, show pour le moins chaloupé, les festivaliers amassés devant la scène s’en donnent à cœur-joie pour reproduire les déhanchés de Franklin James Fisher. Ambiance bon enfant donc, mais cela ne saura pas attiser notre attention plus d’un quart d’heure.

Les canadiens de TIMBER TIMBRE proposent quant à eux un set mélancolique à souhait, parfait pour chasser le jour et appeler les divinités ténébreuses à traverser leur Grand Canyon. Un halo blanc se dessine sur les contours de Taylor Kirk, pourfendant la nuit et les volutes de fumée artificielle en douceur. On entend une voix souffler « Il s’est rasé les cheveux mais on l’a reconnu, Nick Cave ! »…

Le quartet sauvage dublinois GIRL BAND entre ensuite en scène. Promis ce soir à un show trop court sur une scène trop étroite, on ressent une urgence désarmante : ces garçons rempliront de grandes salles sous peu. Nous avons interviewé le groupe un peu plus tôt dans la journée, ils semblaient pourtant si calmes et adorables… Mais le garage le plus cradingue enflammera la fosse dès la première seconde, et ce jusqu’au final extatique du tube-reprise de Blawan  » Why They Hide Their Bodies Under My Garage?« , scandé par la fosse furieuse. Le frontman Dara Kiely respire la beauté à donner la gaule, évoquant sans le vouloir La Fureur de Vivre et un Cobain lacéré de partout. Nos bleus multiples, éclaboussures de boue dans les cheveux et poussées d’adrénaline en dents de scie témoignent qu’il s’agissait nettement du set le plus intense de tout ce festival !

Quoi de plus naturel après une telle claque rock’n’roll, que de retrouver RATATAT pour un set d’une bonne heure à se faire accoster par foule d’adolescents à la recherche de doses de psychotropes ? L’électro est dansante et imparable, les jeux de lasers et écrans LED sont barrés à souhait, convainquant qu’une excellente première journée dans le Fort de Saint-Père vient de s’écouler ; et nous manquerons la performance de RONE pour reprendre quelques forces dans un vrai lit au sec.

Samedi 15 août 2015

Retour au Fort de Saint-Père sous un soleil moins timide, et la pop souriante de ONLY REAL. Des petits londoniens manifestement ravis de jouer ici, propageant une patate exceptionnelle devant un public déjà plutôt en masse au lendemain d’une grande première journée. Voici confirmation de leur talent après un concert décevant au Badaboum à Paris en avril dernier.

La plus grande interrogation de ce festoche : l’intérêt de programmer une formation comme KIASMOS à l’heure de l’apéro ? Le duo à nappes électroniques planantes n’a que faire du soleil rasant et aurait été plus apprécié en fin de soirée, allongé en dilettante. Choix de slot audacieux donc, qui ne nous convainc pas vraiment.

Les quatre madrilènes de HINDS (ex-DEERS) enflamment ensuite la petite scène pour ne laisser personne indifférent. Confusion entre les sceptiques qui ne les ont jamais vues, qui les trouvent un poil arrogantes et décèlent fausses notes et fautes de goût, et les habitués qui ne se lassent pas de leur extraordinaire humeur ravageuse et communicative. La sono en festival est parfois aléatoire, malgré cela le staff de la Route du Rock en fait un point d’honneur à chacun des concerts ; ici l’exception qui confirme la règle laissait penser à un réglage quelque peu hasardeux, qui néanmoins n’a pas suffi pas à gâcher notre plaisir sous un soleil de retour…

Plaisir moult fois décuplé avec THE SOFT MOON qui foule la haute marche du podium de notre journée. Trentenaires à la bière, ados pré-pubères qui découvrent le crowd-surfing, vieux de la vieille la clope au bec, et même une gamine, genre 5 ans, qui se dandine devant la barrière en privilégiée… Tout le public est en accord avec les éléments ce soir, la nuit tombe au gré d’une douce lune indus, illuminant nos neurones pétillants de sa darkwave aux relents des meilleurs THE CURE et du sommet de TRENT REZNOR. Le beau gosse impassible Luigi Pianezzola à la basse/percu et Matteo Vallicelli la bouche en cœur à la batterie virevoltent autour de Luis Vasquez, qui nous lance un « Je t’aime !! » du fond du cœur sur « Die Life« … Ils reviennent acclamés pour un rappel apparemment non prévu. Déjà sous le charme absolu, notamment l’an dernier au festival psyché à la Machine du Moulin Rouge et en juin à la Maroquinerie, nous ne pouvons que nous incliner une fois de plus devant ce talent brut.

Géniale surprise du soir, SPECTRES from Bristol nous gratifient d’un shoegaze bien gras et sombre tout à fait plaisant. Pour des fantômes, nous les trouvons complètement en vie, garants d’une écriture concrète et bien gaulée parfaite pour une ambiance de gueudin : amplis réglés au max et chaleur humaine dans la paille, what else? A noter le choix vestimentaire du frontman Joe Hatt, arborant un joli t-shirt BJÖRK en clin d’œil contestataire ! Trop des ouf malades hashtag cœur avec les doigts.

On passera nos commentaires sur l’annulation last minute de la diva islandaise, c’est promis. En revanche on a eu une sacrée sueur froide quand est apparue une voix depuis la grande scène, se confondant en excuses, car Walter Gervers, bassiste de FOALS, est tombé malade dans l’après-midi. WHAT ! Heureusement, les oxoniens ont plus d’un tour dans leur sac et invitent leur back liner avec eux en remplacement, pour un set un peu plus court que prévu. Fascinante prestation, malgré un démarrage à froid et des écrans en fond de scène pas très au point, mais nous retenons, au-delà des 3 nouveaux très bons titres et une belle lumière, un ravissement évident partagé par FOALS et leurs fans présents en masse.

La soirée s’achève bientôt sur LINDSTRØM que nous ne verrons malheureusement pas, mais avant cela avec DANIEL AVERY, pour le coup lui programmé à un créneau parfaitement adapté. Le DJ britannique ne sachant guère opter pour rock ou techno, il a décidé de mêler les deux et prendre à son compte d’excellents remixes de A PLACE TO BURY STRANGERS ou THE HORRORS. L’aperçu que nous en avons eu ne nous a pas transcendé mais il nous faut reconnaître que le jeune homme a plutôt bon goût !

Dimanche 16 août 2015

Dernière journée de cette édition 2015, qui commence dans le plus grand n’importe quoi par le concert de JIMMY WHISPERS sur la plage Bon-Secours. Un nom de scène plutôt bienvenu d’ailleurs ; ce concert à base de douche à la bière tiède, genoux calleux ensanglantés (sang barbouillé sur le visage par la suite), combo short dégueu/torse nu, et stage divings impromptus de l’artiste, auraient presque pu nécessiter à nombreuses reprises l’intervention de personnel ambulancier. Entre une reprise à peine perceptible de ACE OF BASE (The Sign), une sono volontairement pourrie (ou « lo-fi » quand on veut faire hype), et des hymnes au soleil estival cramant son état de délabrement avancé, Jimmy est assez jouasse de « jouer » pour la première fois en Europe. Quand on dit jouer, comprenez baragouiner faux après avoir appuyé sur [►] sur un vieux poste qui crache une musique d’attente immonde. Sa galette « Summer In Pain » ne vaut pas franchement le détour, en tout cas en live (et nous n’irons pas vérifier sur disque), mais cette performance restera éternellement dans nos mémoires comme LE concert estampillé What The Fuck de l’année 2015.

C’est la larme de joie à l’œil que nous nous rendons au Fort, alors que les jeunes américains de THE DISTRICTS foulent à peine les planches. Leur power rock bien fichu nous avait déjà conquis à l’écoute et récemment à La Flèche d’Or ; leur passage en festival se révèle tout aussi convaincant. Leurs chansons aux refrains accrocheurs, sans bousculer l’Histoire du rock, se révèlent vraiment agréables à écouter.

Le crooner FATHER JOHN MISTY s’empare ensuite de la grande scène. Chevelure et barbe rappelant les derniers moments d’un Jim Morisson, le « padre » s’avère un excellent showman qui ne laissera pas la gent féminine de Saint-Malo indifférente. Depuis la fosse, l’ensemble du set est agréable ; des fans lui lancent des flots de confettis lorsqu’il descend charmer de la demoiselle à la barrière ! Mais le cabotin manque un peu de punch par moments alors que le final sera plus sauvage, l’homme en noir n’hésitant pas à se jeter au sol, le fantôme du Roi Lézard toujours présent…

Très attendus après leurs concerts parisiens remarquables, VIET CONG opposeront à beaucoup la déception de la soirée. Sûrement un brin fatigué par un une tournée interminable, le post punk des canadiens sera moins ravageur et la voix de Matthew Flegel plus qu’à la limite de ses capacités, de nombreux silences épars perturbant l’énergie qui peine ce soir à décoller. Le final tout en langueur de Death, qui monte en tension extatique sur près de dix minutes, restera sans doute (et comme souvent) leur meilleur atout.

A noter tout de même la gentillesse des ptits gars de VIET CONG, qui descendront de scène taper la discute avec quelques fans à la fin de leur prestation, et de la pub faite par le batteur Michael Wallace pour leurs potes de GIRL BAND !

Les filles de SAVAGES nous avaient laissé une impression mitigée lors de leurs passages à la Route du Rock et Rock en Seine il y a deux ans. Sentiment vite balayé par la performance de cette année qui sera sans aucun doute le moment fort du troisième jour ! Une heure d’un set durant lequel on s’est pris une claque qui fait du bien : tendu, sombre, sexy et forcément sauvage, le groupe impose sa musique crépusculaire et Jehnny Beth s’affirme comme une frontwoman redoutable, n’hésitant pas à se laisser porter à bout de bras par un public déchainé. La leçon rock’n’roll de la journée, en attendant leur deuxième LP prévu début 2016.

Même schéma ensuite, nous partions sur un a priori maussade quant à RIDE. Témoins d’un concert dispensable à l’Olympia fin mai, nous découvrons ce soir une facette bien plus positive et gorgée de plaisir ! Andy Bell le souligne en français dans le texte, il remercie sincèrement le public massif venu les voir, la foule est compacte et le festival enregistre d’ailleurs le pic de sa capacité à cet instant. Car comme le soulignait François Floret, organisateur de la Route du Rock, le choix de l’invitation de RIDE recèle un véritable sens artistique, loin de s’inscrire dans un marketing nostalgique : ces garçons ont toujours quelque chose à dire et le font ce soir avec talent.

Après excellentes surprises et du WTF total, DAN DEACON clôt pour nous ce soir le festival avec un rythme inouï (la batterie obtient de loin notre médaille de la percu la plus fracassante du festival) et surtout une humeur à générer encore un brin de n’importe quoi. Aussi, un festivalier a ramené du camping son matelas pneumatique, qui s’est retrouvé à servir de porte-slam, tandis que les bulles de savon arc-en-ciel pleines de THC virevoltent au-dessus de la foule hilare. DAN DEACON s’arrête de mixer, demande un wall of death de 3 mètres de large pile au milieu, où nous nous trouvons : aucun blessé, simplement des gens heureux, qui dansent, sourient, se vident proprement en catharsis de fin de festival.

Nous passons une tête devant les funky THE JUAN MACLEAN, avant de partir exténués de ces milliers d’émotions. Pour les plus vaillants d’entre les festivaliers, une belle dose de disco tendance new wave élégante en intraveineuse permettra de tenir jusqu’à la clôture par JUNGLE.

Une magnifique édition : entre soleil, sang tiède, galette saucisse, sable humide, bottes de paille, jeans dégueu, fumées en tous genre, erreurs mineures, réussites monumentales, dopamine, et surtout rock’n’roll.
A l’an prochain La Route Du Rock !

Textes © erisnyx et M.A pour STBC
Photos © erisnyx et © STBC

Remerciements à l’équipe du festival

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