Après un premier jour agréable mais sans folie excepté l’indispensable KEVIN MORBY, on attendait bien davantage du samedi. Une journée encore dominée par le soleil qui trône fièrement dans le ciel malouin. On traîne un peu trop pour profiter du concert à la plage et on ne veut surtout pas louper le groupe qui ouvre du côté des Remparts : ULRIKA SPACEK. Derrière ce nom à faire sauter en hauteur un athlète tchèque se cache un duo londonien, qui s’entourait de trois autres musiciens pour sortir un excellent premier LP « The Album Paranoia » en début d’année. Une fois sur scène, pas grand-chose à redire sur la performance du groupe si ce n’est une absence totale de jeu scénique. Les nombreuses influences sont perceptibles ; et on pourrait évoquer comme une impression de déjà entendu si l’ensemble ne sonnait pas aussi bien. Tour à tour noisy, psyché, voire krautrock, le set nous emmène sur un terrain fragile, empreint d’un certain spleen. ULRIKA SPACEK est un bon groupe et nous met dans de parfaites conditions pour la suite de la programmation. A noter que les anglais seront de passage au Point Éphémère le 28 septembre.
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C’est l’heure des retrouvailles avec LUH, le duo post WU LYF créé par Ellery James Roberts avec sa compagne Ebony Hoorn. Leur passage au This Is Not A Love Song festival en juin dernier nous avait laissés sur une impression mitigée. D’un côté on se laisse facilement gagner par la nostalgie WU LYF, groupe fulgurant à l’album unique paru en 2011, d’un autre on regrette que LUH n’ai pas la même saveur. En fait, ce qui représente l’essence-même de ce nouveau projet nous laisse perplexe. Si Madame Roberts a pris de l’assurance depuis le passage du groupe par la Boule Noire en mars 2016, on a juste envie d’entendre son compagnon s’époumoner, seul, de sa voix unique. Par moment tout de même, l’alchimie opère, comme sur la superbe « I & I » et sa puissante montée à coller la chair de poule ou la similaire « Unites ». Mais l’inégalité des titres nous emporte une fois de plus dans une sorte de yoyo émotionnel (allez subir l’indigeste « Soro »…). Le constat reste inchangé après cette Route Du Rock : ce n’est parfois pas terrible et pourtant au final on aime bien. LUH on ne sait pas trop quoi faire avec toi, mais Ellery Roberts : on t’aime.
Coucher de soleil sur le Fort de Saint-Père, on est dans de bonne dispositions, et la musique de TINDERSTICKS semble idéalement choisie pour basculer à la cool vers une nuit plus agitée. Ce sera le cas ! Stuart Staples va mener brillamment sa troupe vers les sommets de l’élégance. Pas besoin de hausser le ton pour captiver le public sur la grande scène, en flirtant avec un folk aux accents jazzy intemporel, les anglais gagnent immédiatement un public de connaisseurs, de fans, venus aussi pour eux. Le dernier album « The Waiting Room » a la part belle. Si SAVAGES avaient été programmées le même soir, aurait-on eu droit au duo sur la superbe « We Are Dreamers » ? On ne le saura jamais, mais la version proposée sans l’apport de Jehnny Beth n’a pas le même charme. Avec un epointe d’objectivité, le concert aurait eu plus de sens en salle qu’en festival, même si on passe un joli moment avec une formation qui force le respect. Mais l’envie d’en découdre avec le restant de la prog’ nous démange…
Puis on traverse le Fort pour aller tendre une oreille curieuse devant la nouvelle formation EXPLODED VIEW, montée autour d’Annika Henderson, chanteuse hype qui avait déjà prêté sa voix au sein de BEAK> auprès de Goeff Barrow. Malheureusement, notre intérêt ne sera pas maintenu bien longtemps, la faute à une entame de concert très difficile niveau sonore… Le groupe étant arrivé au dernier moment, pas de balances mais un line-check hasardeux. L’hypnotique titre « Lost Illusions » subit de plein fouet la voix mal placée de la chanteuse et les guitares sonnent comme un pénible bourdonnement. On tente de s’accrocher un peu, le son s’arrangera sur la durée, mais ce krautrock aux lourdes nappes electro peine à prendre sa pleine mesure ce soir. Tout juste la jolie piste rêveuse « Orlando » nous fera lever la tête au loin de la scène. On finit par se diriger à nouveau vers le bar en attendant la suite……
Il semblerait que l’on soit nombreux à avoir envie de LA FEMME. L’audience s’est densifiée devant la scène du Fort et l’excitation est palpable. Ça sent le premier concert festif de cette Route du Rock, celui qui va forcément faire décoller la soirée ! On a d’ailleurs croisé les membres du groupe en détachement total en conférence peu avant. Qui a déjà vu les français à l’œuvre le sait, qui ne les a jamais vu s’en doute : les cinq gars et la demoiselle sont venus présenter quelques nouvelles chansons de leur second LP « Mystère » prévu pour le 2 septembre. Allez, il aura fallu environ deux minutes, pour que LA FEMME déclenche les premiers slams. Les gars de la sécu en crash barrière ne vont pas avoir une minute de répit… Bien entendu le premier album se taille la part du lion et n’a jamais sonné aussi bien. Le groupe maîtrise ses chansons, le son est taillé pour le live : lâchage total, effervescence dans la foule, tout le monde se mélange, on ne compte plus ceux qui se font porter par des bras, musiciens compris. Une identité forte, des paroles dans l’air du temps même si un peu niaises… LA FEMME jouit d’une popularité croissante tout en gardant une crédibilité auprès d’un public ‘musique indé’ exigeant. Du pur entertainment et parfois, ça fait du bien.
Après la grande messe festive de la demoiselle, on reprend nos esprits pour aborder le concert le plus attendu de ce samedi. On avoue de suite : on ne s’est véritablement plongé dans la musique de SUUNS qu’à la sortie du dernier album « Hold/Still » en avril. Depuis, on ne cesse de se vautrer dans les trois LP des canadiens ; la perspective de les voir jouer live nous rendant aussi euphorique que la quantité certaine de bière déjà avalée ce jour. D’entrée on s’en prend plein la tronche avec « Instrument » et son gros beat electro lourd et oppressant, relevé par un jeu de guitare aux gimmicks aussi précis que torturés. Claqué dès le début ! L’enchaînement « Translate » / « 2020 » nous mettra littéralement sur le cul. C’est puissant, sombre mais étonnamment mélodieux pour une musique souvent taxée d’expérimentale. SUUNS nous prend à la gorge, nous fait danser, nous en sommes les premiers surpris. Le son est parfait et heureusement, car leur musique ne supporterait très probablement pas de mauvais réglages. Un set carré, puissant et précis, confirme que les canadiens s’exécutent au niveau auquel nous les attendions : tout en haut. Ben Shemie, le chanteur qui susurre, n’oublie pas de remercier la Route du Rock de les accueillir une nouvelle fois.
THE FIELD ayant annulé au dernier moment suite à un problème de transport, on passe directement au dernier concert de la soirée avec BATTLES. Les new-yorkais, classés dans la catégorie ‘math-rock’, sont de sacrés gars pour réussir à rendre digeste une musique complexe et expérimentale, devenant ainsi une référence pour tous ceux qui n’écoutent pas habituellement ce genre musical. Insaisissable, les titres de BATTLES partent dans tous les sens et donnent le tournis au public qui s’agite de bon cœur.
La batterie au centre de la scène attire tous les regards avec sa cymbale haut perchée et le cogneur John Stanier (ex HELMET) est assez impressionnant. D’ailleurs le groupe dans son ensemble brille par sa dextérité et clôt cette seconde journée de festival de façon très convaincante, sous la nuit étoilée du Fort de Saint-Père.
Rendez-vous même endroit le lendemain, et ça s’annonce encore mieux !
Photos © Bastien Amelot pour STBC
Texte M.A et Bastien Amelot