Notre saison des festivals de plein air prenait fin tardivement cette année avec le ROCK IN THE BARN qui s’est déroulé les 25 et 26 septembre derniers (plus une pré-soirée le 24 à laquelle nous avons pu assister). C’est dans le cadre champêtre de la ferme Grande Ile à Giverny, soit à une petite heure de Paris, que les organisateurs (big up YOU SAID STRANGE !) ont proposé une programmation pointue à forte tendance psyché, qu’il nous était difficile d’ignorer. Voici donc le report de nos deux soirées normandes qui confirme un peu plus notre penchant pour ce courant musical plus que jamais à l’ordre du jour.
VENDREDI 25 SEPTEMBRE
Alors que nous arrivons sur le site du festival, la sueur au front d’avoir galopé à travers champs, METRO VERLAINE en est à la moitié de son set fiévreux et rageux. La fumée, en épaisse couche masquant les spots bleu/magenta, écrase la vue. Les basses prennent nos oreilles en otage, il règne une odeur de rock’n’roll rugueux… Tous nos sens sont immergés dans le bain romantique en compagnie de Raphaëlle, Axel et Geoffroy. L’allure sensuelle, le recueil de poésie griffé Jim Morrison à la main, la frontwoman récite une ode à la tristesse, criante de beauté. Première fois que nous croisons le chemin de ces ébroïciens, certainement pas la dernière !
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Petit accroc de programmation, les WARLOCKS qui devaient passer en début de soirée sont retardés sur la route, ils joueront donc plus tard. Du coup ça laisse le champ libre à CHEAP WINE, formation picarde inconnue de nos services. Et on peut dire que le groupe en a bien profité, la grande scène extérieure envahie de fumée laissant libre cours à leur folie. Invoquant les riffs et le psychédélisme des 70’s, les français nous embarquent totalement sur des titres survoltés et généreux. Le chanteur Mathieu Devillers joue des étirements de sa voix et ne cesse de s’amuser avec son thérémine pour un produire un grand déferlement retro. Tendez plutôt l’oreille à leur EP « Mystic Crow » sur Bandcamp pour vous faire une idée !
Retour dans la grange vers 21h45 pour THE JABBERWOCKY BAND, attention au spoil : la formation rouennaise nous a pleinement convaincus !! D’un bout à l’autre de leur prestation, sans temps mort, une irrépressible fièvre psychotrope s’est emparée de nous. Leur drone parsemé de pédales d’effets et de beats transcendants nous ont scotchés sur près d’une heure, bien trop peu à notre goût.
Commençant à être portés par l’ivresse de la bière locale et les nombreuses effluves de fumée, certains d’entre nous se laissent ensuite avoir par la feel-good pop de TAHITI 80, anecdotique bien qu’agréable, bougeant nonchalamment leur bassin au milieu d’adolescents excités. Un instant de répit aéré avant de réinvestir la grange pour passer à du très lourd et ce qui s’avère la plus grosse claque de cette édition : les formidables WARLOCKS from L.A. : Dieu Distorsion, nous sommes à toi !
Si une petite inertie semble envahir les festivaliers à cette heure-ci, THE WARLOCKS les rendent sinon curieux, rapidement absorbés. Le temps de secouer la tête, reprendre ses esprits malgré la vapeur issue des canons à fumée, nous voilà bien vite au beau milieu d’un très gros bordel à tutoyer de la barrière sur le combo « Shake the Dope Out/The Dope is Good » et « Caveman Rock ».
Le frontman angélique Bobby Hecksher se frotte une fois, deux fois, trois fois à la foule étourdie pour se lancer et rouler à terre sur la bien nommée « Angry Demons » ! Le set de la principale tête d’affiche est malheureusement raccourci à une heure : CHEAP WINE a plus tôt bénéficié de leur créneau, donc les deux derniers titres griffonnés sur la setlist n’ont pas pu être joués… Mais vengeance sur le dernier morceau, « Zombie Like Lovers », ode psyché issue du stupéfiant LP « Heavy Deavy Skull Lover » sorti voici déjà 8 ans, et qui s’allonge en loops et riffs hypnotiques sur pas loin de 10 minutes pour la peine !
Au final les californiens auront pris leur pied, vraiment, alors que leur soirée s’annonçait en loose suprême entre les bouchons du vendredi soir, le moteur du van à moitié en rade, le clavier qui manque de se fracasser sur la scène au début du show, rincés après 4 semaines de tournée européenne intense, sans parler du vol de tout leur matos au début de l’été… Tels des « phœnix » incandescents, les 5 garçons ont tout surmonté, transcendé un public émerveillé, dans le décor pour le moins atypique et inattendu d’une grange enfumée : ils se sont retrouvés, comme nous, au parfait endroit, au parfait moment. On entend un ado s’exclamer : « ce concert c’est de l’Histoire !! ».
Pour clore cette première journée riche en surprises, ce sont les italiens de GO!ZILLA qui investissent la scène. Garage, punk, stoner, avec une pointe de psyché, les natifs de Florence ont bien digéré leurs influences. Leurs titres aux mélodies facilement accessibles cachent aussi une véritable intelligence dans la composition. En résulte une efficacité redoutable à faire sauter le public grâce à des rythmiques galopantes et des riffs de guitares bien sentis. On retiendra pêle-mêle l’hymne « Pollution« , la lascive « Hiding Away« , l’hypnotique « Looking in the Mirror » ou la génialement punk « I’ve Seen a Riot« . Mais à vrai dire, tout est bon chez GO!ZILLA, on en reprend !
SAMEDI 26 SEPTEMBRE
Trio du Havre au son et à l’esthétique garage, THE PERKINS entame le samedi à la perfection : notre pinte à la main s’accompagne avec merveille du bon son bien gras, servi avec justesse et sans prétention, nous promettant une nouvelle soirée bien rock’n’roll.
Certes un peu hors sujet au sein d’une programmation psyché pointue et stupéfiante, au même titre que TAHITI 80 la veille, les lyonnais de ANIMALI auront attisé la flamme 70’s sur la grande scène. Le matos bardé de chatterton fluo est tranché par la fumée, réchauffée au passage par le soleil couchant au gré d’une légère brise qui ne suffira pas à déloger l’écran de fumigène. Les expérimentations psyché à tendances tribal/garage/synthpop auront agréablement surpris une partie d’entre nous tandis que les autres iront se caler à la barrière de la grange pour tâter du polonais, avec la recommandation des organisateurs du festival (et copains) de YOU SAID STRANGE.
Les 4 membres de RUST arrivent le sourire communicatif aux lèvres, installent leur matos, dont le plus beau et fourni pedaltrain de tout le festival, et de loin ! Majkel à la guitare explique qu’ils ont fait la route depuis chez eux à Poznań en Pologne, pour l’amour de jouer dans ce festival.
Un amour qui transpire tout au long de leur set chevelu, entre Michu, vocaliste à la lisse mèche blonde qui maîtrise le headbang et approche régulièrement de l’audience en fureur, un Jakub sans limites à la batterie et le duo parfait guitare basse avec Majkel et Adam complètement en phase.
A noter cette fabuleuse reprise de YOU SAID STRANGE, « Saint Enoch », en référence à la sainte patronne de Glasgow, dont les contours psychédéliques s’accordent à merveille avec l’esprit metalleux de l’ensemble du set. Rust’n’roll !
A peine le temps de se remettre de la déflagration sonore venue de l’est, que BLACK MARKET KARMA s’apprête à démarrer son set. Avec six albums au compteur et des apparitions récurrentes dans les festivals à tendance psyché qui comptent (Manchester et Liverpool), les londoniens (déjà programmés l’an dernier) savent napper leur rythmique de guitares hallucinogènes, en s’inspirant au mieux des références du genre musical. Le moment est agréable mais on aurait préféré les écouter dans l’ambiance feutrée de la grange voisine.
Les deux formations suivantes faisaient parti des plus attendues de la prog’. A commencer par le trio parisien WALL OF DEATH qui l’était délicieusement bon de retrouver après quelques mois sans nouvelles …
Un concert de rentrée pour le groupe qui nous a fait profiter de quelques nouvelles compositions brillantes, à paraître sur leur futur deuxième album en approche (début 2016).
Les gars sonnent toujours aussi bien et on a retrouvé avec plaisir les chansons du premier album paru en 2012. La voix caverneuse de Gabriel en guise de spirale infernale, le clavier toujours aussi indispensable et ces longues complaintes qui finissent par exploser sous une guitare quasi shoegaze : l’effet est garanti. WALL OF DEATH nous a une fois de plus transporté pendant une heure et les nouveaux titres entendus laissent envisager une suite toute aussi réjouissante.
Tête d’affiche de la soirée (voir du festival) on retrouve avec plaisir les américains de CROCODILES. Après avoir assisté à plusieurs de leurs prestations on savait bien à quoi s’attendre et leur set s’est déroulé « comme prévu ». Une première partie exécutée avec précision, mais sans vraiment de folie, articulée autour des bonnes chansons issues de leur dernier LP « Boys« .
C’est dans la seconde partie de son show que le groupe de San Diego va nous rappeler qu’il est une formation rock n’roll capable d’instants furieusement jouissifs. Charles Rowell se dandine sur sa stratocaster et envoie des riffs tranchants qui entraînent le groupe vers un son plus noisy qui nous ravit. A coups de guitares saturées, CROCODILES plonge Giverny dans un torrent de reverb et offre sa bouteille de Jameson à un public en liesse. C’est après la traditionnelle version de « Ça Plane Pour Moi » que tout le monde disparaît de scène pour, malheureusement, ne plus revenir. On aurait aimé un bon quart d’heure de rappel pour ne pas avoir à atterrir …..
C’est sur ce dernier concert, que nous décidons de terminer notre ROCK IN THE BARN, la fin de la programmation à caractère plus électronique étant moins à notre goût.
L’ensemble du festival ayant quant à lui tenu toutes ses promesses, on imagine déjà comment conclure notre saison estivale de festival en 2016 …..
Textes et photos © erisxnyx © Bastien Amelot et © STBC pour Spin The Black Circle
Remerciements à toute l’équipe du ROCK IN THE BARN