Fidèles compagnons de tournée de SAVAGES, les japonais BO NINGEN ouvrent la soirée (entièrement filmée par Arte) avec une grandiloquence punk et expressionniste rarement rencontrée dans nos salles parisiennes. Face à une Cigale déjà noire de monde, les quatre musiciens au look androgyne de fantômes nippons exécutent en ligne droite et à toute allure un set rageur, entre slap perçant, contorsions outrancières et mimiques bestiales. Peu de répit au cœur de cette tornade bruitiste qui emporte tout sur son passage…
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Changement de plateau, changement d’atmosphère. Baignées de clair-obscur, les amazones SAVAGES investissent la scène, affichant une assurance incontestable jamais dépourvue d’une réelle jubilation. Même si l’on peut parfois reprocher au groupe londonien ses poses appuyées, il est difficile de ne pas reconnaître à ses prestations live une générosité séduisante.
Invoquant aussi bien Siouxsie Sioux qu’Iggy Pop ou encore PJ Harvey à ses débuts, la française Jehnny Beth (qui s’exprime toujours dans un mélange linguistique aléatoire un peu déroutant) prouve tout au long du concert sa grande endurance physique et sa capacité à conjuguer sensualité et brutalité, brouillant les notions sclérosées de genre. Du féminin et du masculin, il en est question ici mais les morceaux de SAVAGES frappent surtout par leur efficacité rock rudimentaire. La balance faisant la part belle à la taciturne Gemma Thompson et ses riffs déstructurés scandés par l’impeccable session rythmique (Ayse Hassan et Fay Milton), on a affaire à une machine de guerre hurlante rodée par l’expérience et le goût de la maîtrise. Il y a dans cette prestation quelque chose de puriste, quelque chose de l’ordre des fondamentaux et du fantasme mêmes du rock. Comme si Jehnny Beth se faisait la porte-parole d’un idéal révolu mais précieux dans une certaine mesure, particulièrement en ces temps de régression politique et sociétale. En témoigne cette montée de sanglots qui s’empare discrètement de la chanteuse alors qu’elle entonne le dernier refrain du single « Adore », extrait du second album « Adore Life » paru en janvier… Une émotion post-13 novembre 2015 partagée avec le public qui se passe de commentaire verbal.
Tendu et viscéral, le show atteint son apogée lorsque les musiciennes invitent BO NINGEN à les rejoindre sur scène pour un final à seize mains (« Fuckers »), chaotique voire inintelligible mais foncièrement représentatif d’un concept porté par SAVAGES ce soir-là : le rock bourrin et positif.
Texte et photos © Astrid Karoual pour STBC
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